Perfectionnisme et procrastination

Perfectionnisme et procrastination : le piège égocentrique

Vous remettez à plus tard car vous avez peur que tout le monde vous remarque. Ou pire, que personne ne vous remarque car vous n’êtes pas assez bien !

Le fait de trop penser et retarder le passage à l’action est un acte égocentrique car on pense que tout le monde va nous juger si nous ne sommes pas parfait, ou que personne ne va nous voir.

Alors qu’au fond, tout le monde s’en fout.

Que cache le perfectionnisme ?

Le perfectionnisme, c’est un mélange de peurs et d’excuses.

La peur d’échouer, la peur de prendre des risques qui pourraient modifier l’estime de soi… Le perfectionnisme est aussi lié à un besoin de reconnaissance. Car si on cherche à être parfait pour améliorer son estime de soi, on cherche aussi à impressionner les autres pour recevoir la reconnaissance qu’on pense mériter.

Et pourtant, bien que la reconnaissance soit possible, la perfection, elle, est inaccessible.

On peut distinguer trois types de perfectionnismes :

  1. Envers soi : Vous êtes dur et exigeant avec vous-même, sensible à la critique qui serait synonyme d’échec.

     

  2. Social : Vous faites ce que vous pensez être parfait aux yeux des autres. Une citation de Charles Horton Cooley que j’ai lue dans Penser comme un moine de Jay Shetty dit : « Je ne suis pas ce que je pense être et je ne suis pas ce que vous pensez que je suis. Je suis ce que je pense que vous pensez que je suis. » Vous n’êtes satisfait que si vous pensez que les autres pensent que vous êtes parfait.

     

  3. Envers les autres : En cherchant à être parfait, vous attendez aussi des autres qu’ils le soient. Et même si vous ne l’êtes pas, vous voudriez que les autres cherchent autant que vous à être parfait.

Je pense faire partie des trois catégories. J’arrive à m’en détacher avec le temps. Mais c’est un travail de longue haleine.

Ces trois catégories sont sources d’angoisse et de frustrations.

Vous vous reconnaissez ?

Le paradoxe égocentrique

Le perfectionnisme est angoissant. C’est pour cela qu’on remet à plus tard ce qui pourrait être fait tout de suite. Si vous n’êtes pas parfait, vous vous exposez à la critique.

Dans les domaines où il est question de publier son travail, comme la rédaction en ligne et le blogging par exemple, le perfectionniste va remettre au lendemain pour éviter de se faire voir. Et pour éviter de passer inaperçu.

Tout tourne autour de soi. Je ne veux pas être vu, mais je ne veux pas ne pas être vu. Mais je veux être parfait. Aux yeux des autres. Sans me montrer.

« Quand tu commences, il y a une bonne et une mauvaise nouvelle. La mauvaise, c’est qu’il n’y a que ta mère qui te voit. Et la bonne, c’est qu’il n’y a que ta mère qui te voit. » (Olivier Roland, entrepreneur et blogueur professionnel)

Peur de se faire remarquer

Avant de mettre en ligne mon premier article, j’avais peur de cliquer sur le bouton « Publier ». Car j’avais peur des conséquences négatives. De la réaction du monde entier.

Cette peur vient sans doute de la peur d’échouer. Montrer son travail, c’est le risque de se faire critiquer. Le risque qu’on nous mette un miroir en face de nos défauts et nos faiblesses. La crainte de voir la réalité en face.

Attention, je suis moi-même un soi-disant perfectionniste qui remet au lendemain par peur du jugement des autres. Et je remarque que chaque fois que je publie un article, non seulement la majorité s’en fout, mais en plus je n’ai plus peur de publier.

Vous avez peur qu’on vous remarque jusqu’au moment où vous publiez votre travail.

Et là, vous remarquez que personne ne vous voit.

C’est rassurant pour ce point-ci. Mais un problème ne vient jamais seul…

Peur de passer inaperçu

Notre égo n’est jamais content. Si vous vous faites voir, on risque de vous juger et de vous emmener au bûcher sur la place publique. Et si vous passez inaperçu, vous tombez dans une déprime profonde, pour être ensuite jugé fou. Et les fous, on les envoie aussi au bûcher.

Nous avons besoin de reconnaissance. Pourtant, le perfectionnisme et la procrastination nous empêchent de saisir l’opportunité de la recevoir, cette reconnaissance.

Pour être reconnu, il faut se montrer. Le problème, c’est que nous voulons plaire à tout le monde.

Vouloir se montrer, ou montrer son travail en public sans être critiqué, c’est une utopie. Plaire à tout le monde, c’est ne prendre aucun risque. C’est brosser dans le sens du poil une partie de la population que vous n’aimez pas vraiment.

Plaire à tout le monde, c’est plaire à personne.

Il ne faut pas être parano pour autant. Cela fait un bon moment qu’on ne coupe plus la tête aux gens qui osent exprimer leurs idées.

On ne va pas vous écorcher vif si vous montrez vos dessins, vos recettes de cuisine, vos investissements immobiliers ou votre routine sportive.

Ces peurs d’échouer, d’être rejeté, et ce besoin de reconnaissance et d’appartenance nous poussent à croire qu’on n’en fait jamais assez, ou qu’on n’est pas assez bons pour mériter d’être vus.

Alors on repousse à plus tard et on culpabilise.

Arrêter la procrastination

Le mieux est l’ennemi du bien

Mieux est un comparatif. Et se comparer, c’est dangereux. Mieux par rapport à quoi, à qui ? La seule personne à qui il faut se comparer, c’est soi-même.

Mais attention, il n’y a pas de limites au « mieux ». Tant qu’on veut faire mieux, on ne termine pas ce qu’on fait. C’est une spirale infernale.

Pendant une quinzaine d’années à partir de mon adolescence, je composais de la musique par ordinateur. Des beats Hip Hop. Et ma plus grande source d’inspiration était Dr Dre, le célèbre producteur.

Le problème avec Dre, c’est qu’il mettait des années à sortir un nouvel album. Parce qu’il est perfectionniste. Sur chacun des sons de chacun de ses morceaux, il voulait toujours trouver mieux. Un meilleur réglage, une meilleure note, un meilleur effet.

Bien sûr, ce perfectionnisme a contribué à son succès. Mais ses fans ont toujours été frustrés de n’avoir eu droit qu’à 3 albums en 30 ans.

Il vaut mieux faire, que parfaire. Du moins, dans un premier temps.

Fait vaut mieux que parfait

Certains experts de la productivité, comme James Clear, ou de la créativité, comme Austin Kleon, défendent l’idée que la quantité mène à la qualité.

Plusieurs expériences ont montré que la qualité émerge de la quantité. Par exemple, un professeur de photo a divisé ses élèves en deux groupes. Le premier groupe avait pour consigne de créer la photo parfaite. Le second groupe serait jugé sur la quantité de photos fournies.

Et qui a produit les meilleures photos ? Le groupe qui en a produit le plus.

Si vous créez quelque chose de moins bon aujourd’hui, vous aurez l’opportunité de vous « racheter » demain le lendemain.

Ce qui est parfait pour vous ne l’est pas pour quelqu’un d’autre.

Parfois, vous pouvez être fier de quelque chose que vous avez accompli. Et puis, vous ne recevez aucun retour positif.

Et d’autres fois, vous pensez avoir fait quelque chose de banal et les compliments se mettent à pleuvoir.

Vous pouvez être professionnel sans être perfectionniste.

C’est-à-dire faire mieux qu’hier en sachant que vous serez encore meilleur demain. Car entre-temps, vous apprenez.

Et si, à un moment, un blocage vous pousse à remettre à plus tard, la procrastination peut devenir une alliée. À condition de procrastiner intelligemment.

Qu’est-ce que la procrastination intelligente ?

Ce que j’appelle procrastination intelligente est une idée inspirée du livre Voler comme un artiste d’Austin Kleon, qui parle de procrastination productive.

Je l’appellerais aussi procrastination consciente ou contrôlée.

En gros, vous choisissez de ne pas faire une certaine tâche, voire de ne rien faire du tout, pendant un certain moment.

C’est le choix de prendre une journée à faire quelque chose qui n’a rien à voir avec votre projet actuel, votre travail, …

J’ai souvent l’impression de perdre mon temps quand je fais des pauses où quand je fais des choses qui ne sont pas directement liées à mes objectifs.

Pourtant, maintenir l’esprit dans un projet professionnel ou n’importe quelle activité qui prend du temps et de l’énergie, cela demande de se projeter. Penser au futur. Anticiper, préparer, perdre des cheveux.

Trop penser à l’avenir, c’est une source d’angoisse. Et être perfectionniste, c’est se focaliser sur le futur, même proche, sans penser à l’activité dans le présent. C’est consacrer tout notre esprit au résultat plutôt qu’au processus.

Mais en se concentrant sur le présent, sur le processus, l’esprit se libère de la charge liée à l’anticipation d’événements qui pourraient ne jamais arriver.

C’est dans ces moments présents que la magie se produit.

L’esprit est moins préoccupé par le futur et ce qui pourrait se produire, qui finalement ne se produit que dans ta tête. Ça laisse de la place aux idées, à la créativité, et cela permet au cerveau de résoudre les problèmes qu’il n’arrivait pas à résoudre quand on avait la tête dans le guidon.

La procrastination productive, intelligente, consciente, contrôlée, c’est simplement le pouvoir de faire une pause en profitant du moment présent ou en pratiquant une activité qui n’a rien à voir avec celle qui vous demandait toute votre attention.

Prends le temps d’errer, de te perdre. Egare-toi, tu ne sais jamais où ça peut te mener. (Voler comme un artiste, Austin Kleon)

Le perfectionnisme tue plus de rêves que l’échec ne le fera jamais

Comme si le perfectionnisme et la procrastination ne formaient pas un tandem assez puissant, le syndrome de l’imposteur peut s’inviter à la fête.

En 2021 j’ai réalisé un défi : publier 31 articles en 31 jours. Pour quelqu’un qui publiait de temps en temps, selon l’humeur, c’était un challenge important. Mais je me suis lancé. Pour rester dans les critères de « victoire » du défi, je me forçais à publier chaque jour malgré l’imperfection et la légèreté de certains articles.

La plupart du temps, je publiais entre 23h30 et minuit. Car j’avais reporté la rédaction jusqu’à la dernière minute, chaque jour.

Et un mois après le début du défi, ce blog comptait 31 articles supplémentaires.

Mission accomplie.

Avec le recul, je suis content de l’avoir fait, pour trois bonnes raisons :

  • D’abord, cette légèreté et cette médiocrité n’étaient perçues que par moi.
  • J’ai calmé mon syndrome de l’imposteur, en m’autorisant à publier quelque chose d’imparfait.
  • J’ai réalisé que la qualité peut émerger de la quantité. En créant 31 pièces, une ou deux peuvent sortir du lot. Alors qu’en attendant de trouver l’idée parfaite, vous ne créez rien du tout. Cela nous ramène à l’expérience des photos qu’on a vue plus haut dans cet article.

Si vous voulez une méthode pour essayer de vaincre la procrastination, vous pouvez lire mon article sur la méthode Pomodoro.

Ou vous lancer des défis pour vaincre le perfectionnisme.

Dans cet article, je ne voulais pas proposer de solution particulière. Je préférais visiter des zones plus profondes, plus obscures, qui poussent à trouver des solutions par soi-même, en allant fouiner dans nos peurs et besoins.

Les méthodes, les techniques, c’est toujours efficace sur du court-terme. Mais quand il faut agir en profondeur, « pourquoi » devient plus important que le « comment ».

5 réflexions sur “Perfectionnisme et procrastination : le piège égocentrique”

  1. Merci pour cet article. Ah perfectionnisme, quand tu nous tiens!
    Comment trouver le bon équilibre entre « se projeter dans le futur » et « être dans le présent » avec son lot de surprises et d’imprévus.
    Et si ta mère est morte? Personne ne te voit 😉

  2. J’ai pris beaucoup de plaisir à lire cet article. Tu as vraiment mis le doigt là où ça fait mal ! J’ai beaucoup aimé la phrase : « Le perfectionnisme tue plus de rêves que l’échec ne le fera jamais. » Bravo pour ce travail !

  3. Continuez svp, ça fait un bien fou. Et pas que. Cela permet aussi deux choses :
    – Eclairer un dysfonctionnement car votre synthèse est limpide.
    – Repérer son processus et agir en conséquence. Je garde vos petites phrases en tête, comme des antidotes à cette satanée procrastination faite de trouille et de découragement soigneusement cultivé (ça permet un « à quoibontisme » qui dissuade de toute action…)

    Bon. Mais j’ai une question pour vous.

    Voilà. Il me semble, moi, qu’il existe un obstacle puissant qui empêche de progresser vers une « libération » de l’action.
    C’est le fait que l’idée d’avoir à agir entraîne cette foutue anxiété.Et que LE RENONCEMENT A AGIR apporte un soulagement qui, perso, m’apporte un sentiment de joie. De courte durée. Mais très fort. Ca tue l’angoisse. Nirvâna.

    Joie passagère, hein. Le lendemain, c’est la tristesse mâtinée de colère envers soi, parce que, ENCORE UNE FOIS, on est resté planté là, à regarder passer le train avec tous ces gens qui sont montés dedans joyeusement et que nous, on est toujours à la même place. Depuis des années.

    Comment, COMMENT faire en sorte que renoncer à l’action n’apporte pas plus de plaisir qu’agir ?

    1. Bjr, moi je dirais de mettre par écrit, dans une sorte de tableau, tout ce que vous « gagnez » à jouir de ce soulagement éphémère et tout ce que vous auriez « gagné » si vous n’aviez pas cédé et si vous étiez allé jusqu’à bout, à court, moyen et long terme. Avec un peu de temps et de réflexion, si ça ne vous pousse toujours pas à l’action, pas la peine de vous fustiger, c’est que l’action en question est trop ambitieux (ou pas assez) ou ne reflète pas votre personnalité du moment.

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